Le numérique freine l'inclusion professionnelle des personnes déficientes visuelles

 Une étude, publiée par l'assocation Paul Guinot, se penche sur la numérisation et son impact sur l'insertion professionnelle des personnes déficientes visuelles. Malheureusement, ce potentiel outil semble être plutôt un obstacle à franchir.

 

Le constat est simple et pourtant douloureux : "Le passage au numérique du XXIe siècle aurait pu être un levier d'emploi pour les personnes déficientes visuelles [...]. Cependant, il aurait fallu adopter une logique émanant du modèle social du handicap en développant un environnement numérique nativement accessible. Cela n'ayant pas été le cas, une des premières difficultés des personnes déficientes visuelles face au marché du travail reste l'accessibilité numérique." Cette conclusion est tirée d'un rapport, publié par l'association Paul Guinot et dirigé par Bachir Kerroumi, chef de mission des études économiques à la mairie de Paris et spécialiste des questions d'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap. Le bilan du manque d'accessibilité numérique en France est d'autant plus accablant que les métiers de l'information sont parmi les plus porteurs en matière d'emploi. Or, "les personnes déficientes visuelles sont les principales concernées s'agissant de l'inaccessibilité des services numériques."

 

Le rapport liste donc les formations en information accessibles aux personnes déficientes visuelles. Sur l'ensemble du territoire français, seuls trois établissements et services de réadaptation professionnelle (ESRP, ex-centre de réadaptation professionnelle, CRP) proposent quatre formations spécifiques et dont une seule permet d'obtenir un diplôme certifié par l'État. Il s'agit du CRP de l'Association Valentin Haüy à Paris, du CRP Paul-et-Liliane Guinot à Villejuif (Île-de-France) et le centre de réadaptation sociale et professionnelle (CSRP) de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Enfin, l'association AIR à Paris propose également une offre de formation de remise à niveau en informatique à destination des publics déficients visuels.

 

 

Dispositifs de droit commun

 

En milieu ordinaire, quelques dispositifs existent, notamment soutenus par l'association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph), comme Od@ce ou THalent digital. Cependant, ces programmes ne sont pas forcément spécifiquement dédiés aux personnes déficientes visuelles ou aveugles. Ainsi, l'Insa de Lyon (Rhône), grande école d'ingénieurs généralistes, est considérée dans le rapport comme fournissant une formation adaptée, uniquement sur la base de témoignages d'anciens élèves ayant réussi leur scolarité dans leurs locaux. Ainsi, "en milieu ordinaire, il existe surtout des offres spécialisées qui restreignent le choix." En outre, "le corps enseignant n'est jamais invité à prendre la tête du projet pédagogique inclusif".

 

Plus globalement, le rapport établit une description peu flatteuse de la France comparée à l'Allemagne, au Royaume-Uni et à l'Espagne et s'inquiète de "l'absence d'initiatives ministérielles". Or le rapport souligne que "la réussite de ces établissements pour des personnes déficientes visuelles repose principalement sur une pédagogie adaptée à toutes les catégories de la population, c'est-à-dire développée peu ou prou dans le sens du design universel." Si les ESRP et le médico-social ont leur rôle à jouer, notamment en matière d'information-sensibilisation des acteurs économiques, les auteurs poussent surtout pour une "stratégie d'inclusion transversale [qui] favorise considérablement la participation des personnes déficientes visuelles au marché du travail." Le changement appelé est donc plus sociétal qu'institutionnel.

 

Cet article est extrait du site Hospimedia.